Lettre ouverte au SPVM
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Lettre ouverte au SPVM
Le respect, l’intégrité et l’engagement. Trois mots inscrits à l’arrière de la carte qu’un agent de la SPVM m’a remis lorsque je l’ai rencontré au poste de quartier 12, lundi soir, le 19 octobre 2020. Trois mots qui sont probablement les valeurs les plus véhiculées par le Service de Police de la Ville de Montréal. Des mots lourds de sens, qui tentent de mettre les Montréalais en confiance. Une confiance qui, je vous avouerai, est mise dans une zone grise par tous. Cesdites valeurs sont vagues : avouons-le-nous. Elles sont mises de l’avant par le corps policier de Montréal, mais certainement pas respectées.
C’est le 19 octobre que je suis allée porter ma plainte pour fraude au SPVM. Une plainte qui était nécessaire, vu la perte d’argent considérable que j’ai vécu la semaine précédente. Un policier m’attend derrière le comptoir. Un homme dans la quarantaine. Derrière lui se trouvent trois autres agents, tous des hommes blancs d’environ 40-50 ans en fin de « shift » ou simplement en pause. Je me présente en disant à l’agent que je viens porter plainte pour fraude. Déjà, je peux apercevoir son regard arrogant, empreint de déception. Il me demande de lui raconter la situation : sans mentir, sans « flafla », sans détails trop précis non plus, je raconte les grandes lignes du crime. Les trois policiers derrière le comptoir se taisent. Je les regarde et remarque tout de suite leur regard désapprobateur. C’est à ce moment que je me suis sentie humiliée. Les trois agents écoutent attentivement mon histoire et se lancent des regards de jugement. Je ne me sens plus du tout en confiance. Ici, le respect est déjà perdu.
Je suis une jeune femme de 21 ans. J’entre dans le monde des adultes. J’apprends à gérer mon argent tout en jonglant entre mes études à temps plein à l’université et mon travail au salaire minimum où je fais 32 heures semaines. Oui, j’ai fait une grave erreur en me mettant en danger de fraude. Mais n’est-ce pas ça la vie ? Apprendre de ses erreurs et remonter la pente quand tu perds plus de 3 semaines de salaire. Une erreur que je ne referai plus jamais, mais qui arrive si fréquemment. Selon Statistique Canada, en 2018 ils ont enregistré un total de plus de 151 000 fraudes à travers le pays. Et cette année, le Centre antifraude a calculé des pertes financières de plus de 67,2 M$ liées aux fraudes.
Mais le SPVM le sait déjà, tout ça, n’est-ce pas ? Des fraudes, tristement, ça arrive tous les jours. Ça ne change pas que c’est mal et qu’on doit les prévenir du mieux qu’on peut. Mais des fois, elles sont inévitables. Elles proviennent d’erreurs de notre part qui auraient dû être prévenues, certes, mais qui ne l’ont pas été. Je n’excuse pas mon erreur, j’ai moi-même fait gagner (à mon insu) une somme d’argent considérable à un fraudeur, un criminel. Je le regrette et ferai tout pour prévenir d’éventuelles fraudes à mon égard ou celle de mes amis.
Mais alors que je me sentais déjà défaite de mon expérience, pour clore la prise de plainte, l’agent ose me dire qu’il est extrêmement déçu de moi. De MOI. Non pas des criminels qui font ça pour vivre, mais de moi, la victime dans la situation. L’intégrité du policier est alors décidément compromise. Je ne parle pas de l’homme derrière l’uniforme qui lui, aurait pu me passer un commentaire de ce genre. Mais l’agent qui se lève le matin pour « prévenir et combattre le crime », ce n’est certainement pas en m’insultant qu’il va y arriver. Ne sachant pas quoi répondre, je me tais. Il ajoute (et, ici, attachez-vous bien) : que c’est à cause de gens comme moi que le système de plaintes est rempli et que le système judiciaire est débordé. Non, mais, pour qui se prend-il ? Je me souviendrai toujours de ces mots et de son dégout. Je comprends qu’il veut « protéger la vie et les biens des citoyens », mais ce n’est pas en me dégradant que je vais me sentir protégée. Ici, il m’a simplement démontré qu’il préfère me juger que m’aider à me protéger. À aucun moment ne m’a-t-il suggéré d’aller lire sur le site du Centre antifraude pour me protéger. À aucun moment ne m’a-t-il dit que la fraude était fréquente et que je devais faire attention. À aucun moment ne m’a-t-il tendu un pamphlet pour m’instruire sur les mesures préventives quant à la fraude. Ce que l’agent a fait tout au long du 30 minutes que j’ai passé au poste 12, c’est m’écouter pour ensuite m’insulter et ultimement, m’humilier.
SPVM, quelle image souhaitez-vous projeter en nous recevant comme des moins que rien au poste de police ? Pensez-vous que nous serons enclins à vous faire confiance et à vous faire part des crimes dont nous sommes les victimes si vos entretiens sont dégradants et non instructifs ?
J’espère que cette lettre vous permettra de réfléchir, puisque ce cas-là n’est pas isolé, et j’ai eu « la chance » de ne seulement être victime d’un manque de respect de votre part. Je ne veux même pas embarquer sur le sujet l’abus de pouvoir qui se fait voir dans votre organisation, ou sur le racisme systémique qui perdure dans le corps de police. Tellement de problèmes font surface. Je vous interpelle, SPVM : y ferez-vous face ?

wow! super bien écrit
RépondreSupprimerMerci beaucoup!
SupprimerJe susi désolée que tu aies vécu cela Ophélie, vraiment. Effectivement, ce genre d'attitude condescendante est contre-productive et non-professionnelle. C'est inacceptable. Ce policier et ses collègues ont été paternalistes et irrespectueux. J'espère que tu leur a envoyé cette lettre! J'adore la contruction de ton billet et l'invalidation progressive de toutes les valeurs fondatrices du SPVM. DEFUND!
SupprimerSalut Camille, oui la lettre s'est rendue, je l'ai publié sur mon Facebook personnel et le lendemain matin, j'avais un appel du lieutenant en charge du poste 12 qui voulait me donner ses excuses et qui allait parler avec son agent. Un appel très courtois que j'ai bien apprécié malgré que ça ne change pas les choses.
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