Un article que j'avais rédigé dans le temps de la grève.

Je ne suis pas en grève, mais en ce moment c’est la grève.

On va tout d’abord mettre une chose au clair, ai-je voté pour la grève? Bien sûr. Suis-je en grève cette semaine? Non.

 

Le vote de mon association étudiante n’a pas passé, mais celui des autres associations oui, alors les facultés commandant mes cours sont contraintes à la grève et mes cours seront levés. En tant qu’étudiante, comme le vote de mandat de grève de mon association n’a pas passé je me dois de respecter les volontés démocratiques et d’aller à mes cours. Par contre, ici le sort en a voulu différemment et je serai en grève pour la prochaine semaine.

 

En ce moment, c’est la grève, et la rémunération des stages est un sujet qui divise les étudiants ces jours-ci. Devrions-nous mettre une pression sur le gouvernement? Est-ce à eux de prendre des mesures pour que les stages soient enfin rémunérés et qu’on arrête d’exploiter les jeunes? Est-ce que la grève est la bonne façon de parvenir à nos fins? Certains se demandent même si nous allons perdre une session à cause de la grève... (Je vous assure, cela n’est jamais arrivé au Québec) Est-ce que la grève va virer en 2012 2.0?

 

En ce moment, c’est la grève, et certains ont peur, je peux les comprendre. Ils sont à 1 mois de finir leur bac, leur maîtrise ou leur doctorat, sur lesquels ils ont passé des années à travailler d’arrache-pied pour finalement rentrer dans le marché du travail. La grève pour eux en tant qu’individus ne sert à rien. Ces gens-là n’ont pas de stage, ils n’en ont pas besoin pour finir leurs études et n’en ont pas eu besoin. Alors, pourquoi arrêter d’aller aux cours si ce n’est pour rien qui les concerne ? En 2012, la grève touchait tout le monde, les frais de scolarités de tous allaient être augmentés. Que tu sois pauvre ou riche, tu allais payer plus cher. En ce moment, si t’as pas de stage, le débat t’affecte pas. 


En ce moment, c’est la grève et je suis heureuse de vous dire que certaines personnes n’ayant aucun stage prévu dans leur parcours scolaire soutiennent de tout cœur leurs collègues qui sont obligés de suivre ces stages.


Je suis moi-même en stage. Suis-je rémunéré? Non. Est-ce un problème? Non plus. Oui j’aimerais pouvoir avoir un salaire, puisque mes 9 à 5 du lundi au vendredi entre l’école et le stage ne me permettent pas d’avoir une job sur le côté. Par contre c’est avec grande reconnaissance que je peux dire que j’ai de l’aide de ma famille. Ma famille paye ma vie et mes études pour me permettre de m’épanouir et de grandir dans le domaine qui m’intéresse, jusqu’à ce que j’arrive sur le marché du travail.

Je dois absolument mentionner que malgré que je ne sois pas la seule, plusieurs n’ont pas cette chance. Et c’est ici que je veux en venir.

 

En ce moment, c’est la grève et, au moment où j’écris ce texte, 34 355 étudiants seront en grève pour les 5 prochains jours, et ce dans 6 régions administratives (grevedesstages.info). Ce sont 34 355 étudiants, plus de personnes que d’habitant à Ste-Thérèse, un peu moins d’habitants que la grande région du Nord-du-Québec. Autant de monde qu’à Sorel-Tracy et pour être plus visuel, plus d’étudiants qu’on pourrait rentrer au Centre Bell. Je ne sais pas si vous comprenez l’ampleur, mais là on ne parle pas d’une centaine d’étudiants « qui ne sont rien que des ‘enfants-gâtés-gauchistes-frustrés’ cherchant le trouble et voulant réformer le système ». Là on parle d’une grève qui a atteint à son sommet, le 21 novembre 2018, avec un total de 58 000 étudiants d’une quarantaine d’associations étudiantes partout au Québec appuyé par une vingtaine de syndicats et une quarantaine d’organismes se serrant les coudes pour qu’on cesse d’exploiter les étudiants et qu’on prenne enfin nos droits d’être payé.

 

En ce moment, c’est la grève et quand on pense qu’il y a plus de 55 000 stages au Québec par année, et que non seulement une bonne partie ne sont pas rémunérés, mais qu’en plus tous les stagiaires n’ont pas de statut qui leur donne accès aux normes du travail (Maria-Alexandra Craciun, une porte-parole du CUTE), il y a des questions à se poser et surtout des problèmes à régler.

 

Aujourd’hui, nous faisons face à un ministre de l’éducation, Jean-François Roberge qui nous dit, « Ne défoncez pas des portes ouvertes. » Ce ministre est en train de faire « état de la situation ». Aussi vrai que cela peut-être, on comprend que ce n’est pas seulement en faisant « état de la situation » que les choses vont changer. On le voit tous les jours, un exemple bien simple, les changements climatiques. On sait qu’on se dirige vers un point de non-retour, mais ce n’est pas pour autant que le gouvernement en fait quelque chose. Désolée monsieur Roberge de ne pas être en mesure de vous faire confiance, mais notre gouvernement ne nous prouve pas que la confiance est une solution ici. C’est donc pourquoi nous avons décidé d’agir selon nos droits et d’aller vers la grève.

 

Maintenant, la rémunération des stages est-elle possible? Oui. « [...] la rémunération des stages n’est pas une question de moyens, c’est une question d’équité. À l’heure actuelle, l’État paie un plein salaire aux stagiaires de la fonction publique et des sociétés d’État, en plus de subventionner les stages du secteur privé. En effet, 50 M$ ont été versés par l’État aux entreprises privées sous forme de crédits d’impôt pour soutenir la réalisation de stages rémunérés. À côté de ça, des milliers de stages dans les services publics ne sont pas rémunérés en psychoéducation, en enseignement, en soins infirmiers ou en travail social. En rétribuant les stages de ces secteurs, le gouvernement contribuerait efficacement à revaloriser les professions des réseaux de l’Éducation, de la Santé et des Services sociaux…et les femmes qui y travaillent ! » (http://www.grevedesstages.info/questions-et-reponses/)

 

En ce moment, c’est la grève, et les étudiants qui ont 5 cours, soit 15 heures de cours par semaine sans compter les heures de travail et d’étude à la maison (environ 10 heures/semaine) et qui sont en stage en moyenne 15 à 20 heures semaines, n’ont évidemment pas le temps pour un emploi pour subvenir à leurs besoins. Pourtant, ce n’est pas un choix pour eux. Ils doivent vivre, manger, payer leurs études, et donc rajouter à tout ça un 20-25 heures de travail pour un salaire souvent minimum. Est-ce réellement possible de vivre comme ça, tout en gardant un mode de vie sain? 


En ce moment, c’est la grève et on milite pour une cause qui remet en question la loi sur les normes du travail et la valeur que le gouvernement lui apporte.

 

En ce moment, c’est la grève et nous devons supporter ces étudiants qui sont étouffés par leur vie en tant qu’étudiants et travailleurs.

 

En ce moment, c’est la grève et nous devons nous unir pour accentuer la pression sur le gouvernement.

 

En ce moment, c’est la grève et nous ne pouvons pas nous laisser faire par un ministre de l’éducation qui dit s’occuper de la situation alors que nous n’avons pas eu de nouvelles depuis 2 mois.

 

En ce moment, c’est la grève et nous devons user de notre droit de grève pour nous assurer que le gouvernement comprenne l’importance de la rémunération.

 

En ce moment, c’est la grève et nous attendons avec impatience les scénarios que le ministre Roberge s’est formellement engagé à partager à la fin avril, en espérant qu’on sera compris et que la hauteur de nos attentes ne sera pas amoindrie, comme on a pu le voir les années suivant le Printemps Érable.

 

En ce moment, c’est la grève et nous n’allons pas baisser les bras

 

Ceci est un ultimatum.


Ophélie Blanchard

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